Ne suivez pas vos passions

Ou plutôt pourquoi suivre ses passions est un très mauvais conseil

J’ai lu dernièrement le livre «So Good They Can’t Ignore You» de Cal Newport et je dois dire que cette lecture a changé ma façon de voir mon cheminement de carrière. Je le recommande à quiconque n’aime pas son emploi, se demande s’il devrait le quitter pour poursuivre une passion, ou est en réflexion sur sa carrière.

Le livre commence par une attaque frontale du principe très répandu qu’il faut poursuivre ses passions pour être heureux au travail. Il propose de nombreux exemples de personnes qui se sont lancées dans une nouvelle carrière alignée avec leurs passions et qui ont échoué par manque de préparation ou de réelle aptitude. Il apporte aussi de nombreux contre-exemples de personnes qui semblent avoir réussi à suivre leur passions, mais qui en réalité se sont préparées méthodiquement et ont mis les efforts requis pour réussir.

Si vous croyez à la pensée magique ou au succès instantané, ce livre n’est pas pour vous.

Bâtir son capital de carrière

La première étape est de se bâtir un capital de carrière sous forme de compétences rares et recherchées qui seront plus tard monnayables contre des positions convoitables. L’auteur stipule que les emplois réellement intéressants sont rares et qu’ils sont donc convoités par un très grand nombre de prétendants. Pour les obtenir, il faut alors se démarquer de la compétition et avoir quelque chose d’unique à offrir : son capital de carrière.

Devenir un artisan

Cal Newport critique sévèrement la «culture du courage» qui prétend que la seule chose nous empêchant de tout lâcher pour avoir un emploi de rêve est le manque de courage.

L’auteur avance que la recherche d’un emploi sur la base de nos passions et de notre bonheur ne peut que nous mener à de la frustration et est voué au désastre. Il fait un parallèle avec la fameuse citation de John F. Kennedy et affirme : Ne te demande pas ce que ton emploi peut faire pour toi, demande-toi ce que tu peux faire pour ton emploi. Il faut donc changer d’approche face au travail et penser ses actions comme un artisan plutôt que comme un exécutant. 

“Hours spent in serious study of the game was not just the most important factor in predicting chess skill, it dominated the other factors. The researchers discovered that the players who became grand masters spent five times more hours dedicated to serious study than those who plateaued at an intermediate level. The grand masters, on average, dedicated around 5,000 hours out of their 10,000 to serious study. The intermediate players, by contrast, dedicated only around 1,000 to this activity.”

La pratique délibérée

Une attention particulière est portée à la pratique délibérée pour développer ses compétences. On explique que chez les sportifs, les musiciens ou les joueurs d’échec, il est largement reconnu que seule la pratique constante et assidue permet de s’améliorer. En musique, il y a un adage qui dit : «The tape does not lie». Cependant, dans l’univers des emplois de service, comme l’ingénierie, le service à la clientèle, les finances ou les assurances, peu de personnes pratiquent leurs aptitudes ou voient leurs tâches comme un entraînement en vue de devenir meilleur. On se contente de faire ce qu’on a à faire. Adopter ce nouveau mode de pensée devient donc un avantage compétitif.

Qu’est-ce que les emplois de rêve ont en commun ?

L’auteur identifie trois principales caractéristiques qui font qu’un emploi est convoitable et unique:

  1. Avoir du contrôle (empowerment est un terme présentement en vogue dans le jargon RH corporatif).
  2. Être viable financièrement. Il faut se demander si les gens sont prêts à payer pour l’expertise ou la compétence que nous développons. L’auteur fait une exception pour les hobby. Si votre hobby est de cultiver des orchidées ou de faire de la plongée, vous n’avez pas à vous attendre à être payé pour développer ces compétences.
  3. Porter une mission, raison plus grande. Ce troisième aspect est plus dur à saisir. C’est seulement une fois qu’on atteint un niveau d’expertise suffisant dans un domaine donné qu’on peut voir quelle sera la prochaine découverte ou innovation. C’est alors qu’il est possible de faire un changement majeur dans sa carrière et découvrir une mission.

L’auteur explique que pour obtenir un des trois atouts mentionnés ci-haut, il faut avoir du capital de carrière à échanger (voir plus haut). On ne peut pas les obtenir en début de carrière ou compter sur la chance.

Le possible adjacent

L’auteur amène le concept des possibles adjacents, selon lequel il faut atteindre un certain niveau de compétence et de savoir, à partir duquel on peut voir la limite d’un domaine et identifier les prochaines innovations ou débouchées probables. Il fait un parallèle avec les découvertes scientifiques qui se font souvent simultanément par plusieurs chercheurs car elles se trouvent dans le possible adjacent. Selon cette règle, se lancer dans un nouveau domaine sans avoir suffisamment étudié le sujet est voué à l’échec (par exemple, lâcher ma job de chargé de projet pour m’ouvrir une école de yoga). Il faut d’abord bâtir son capital de carrière dans le domaine.

La loi de la remarquabilité

Pour qu’un projet d’emploi soit un succès, il doit être remarquable de deux façons:

  1. Il doit être suffisamment attrayant et unique pour attirer l’attention des autres.
  2. Il doit être lancé dans un contexte qui permet d’être remarqué par un nombre maximal de personnes.

Faire des petits sauts, fréquemment

Il ne faut pas faire de grand sauts de carrière, mais plutôt faire une multitude de petites tentatives. Il ne faut pas s’attarder au taux d’échec tant qu’on fait des découvertes. C’est comme jouer à démineur: plus on cherche et plus on augmente nos chances de découvrir un chemin prometteur. Cal Newport propose d’identifier des petits projets concrets que nous savons possibles de réaliser en moins de 1 mois et de se donner les moyens de les compléter : réserver du temps dans son agenda. Une fois les projets complétés, on fait un post-mortem pour identifier ce qui a plus ou moins bien fonctionné.

Cela peut se traduire dans notre travail en étant ouvert aux petits mandats spéciaux et aux projets que d’autres refusent rapidement.

L’auteur est professeur de science informatique à l’Université de Georgetown et a un PhD du M.I.T. en Computer Science. Son travail porte sur l’utilisation des algorithmes distribués pour résoudre des problèmes complexes. Il a écrit plusieurs livres de progression personnelle, dont «So Good They Can’t Ignore You».

Bonne lecture !

5 Responses

  1. Ok mais c’est quoi l’objectif? Car je ne vois pas en quoi ça rend plus heureux au travail… je fais ça depuis 15 ans.. j’obtiens tjrs des promotions, on me confie des mandats plus interessants mais ça change rien au fait que je m’emmerde et que je trouve le cadre trop rogide, que ça prend trop de place dans ma vie etc… 🙂

    1. J’imagine que dans ton cas, ça peut aider à relativiser notre ennui ou notre insatisfaction au travail. C’est un peu comme pour les écrivains ou les artistes. Ils ne tirent pas essentiellement plaisir à passer des centaines d’heures à créer une oeuvre, mais ils sont satisfaits une fois l’oeuvre complétée ou le livre écrit. Dans les cas les plus désespérés, j’imagine que l’ERE est la seule solution !

  2. Mouin…
    Un peu comme je te disais a propos des projets de bac en ingenierie… moi je m’interessais a l’ingenierie mettons pour fabriquer un kayak de mer, une tondeuse autonome et d’autres bidules comme ça. Si j’avais fait le bac, l’objectif n’etait pas d’obtenir un diplome (prestige) mais d’obtenir des connaissances me permettant de realiser MES projets.
    Je n’aime pas tout savoir ce qui est theorique a ne plus en finir.. surtout si c’est pas en lien avec mon ou mes projets.. je m’interesse davantage au comment et a l’action. Un resume est suffisant, la comprehension des grands principes etc mais les details a l’infini, la routine, la repetition… moi ça me tue.
    C’est un peu aussi ce que je n’ai jamais aime de l’ecole… on creuse on creuse on creuse sur la grammaire etc mais on n’en fait rien… il n’y a rien d’interessant raccroché à ça.

    Moi la liberte financiere c’est ma seule option. A moins de devenir un travailoeur autonome qui travaille sur de petits projets stimulants a tres court terme car garder ma motivation pour un projet que je n’ai pas choisi, qui ne me passionne pas vraiment pendant 5 ans ouchhh… tu me perds lol

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Back to Top