À mon ami

Sans s’en rendre compte, on passe la majeure partie de notre temps à travailler pour gagner de l’argent ou à le dépenser pour toutes sortes de trucs plus ou moins essentiels. Sans s’en rendre compte, on donne nos deux ressources les plus précieuses à un employeur en échange d’un salaire: notre temps et notre attention. On répète machinalement cette transaction sans trop y penser car c’est ce qu’il est convenu de faire. C’est la définition classique de la rat race, rien de nouveau là-dedans.

Ces temps-ci la rat race prend un aspect cruellement concret pour moi.

Un de mes amis, un de ceux qu’on compte sur les doigts de la main, a une maladie incurable qui peut l’emporter d’un mois à l’autre. Il a comme moi 32 ans mais pour lui le sablier avait moins de sable que la moyenne. Un vice de fabrication découvert il y a 3 ans. Lui et sa blonde en ont plein les bras avec leurs deux marmots de 2 mois et 18 mois. Sa blonde est aux études et ils ont récemment acheté un duplex qu’ils rénovent de A à Z, question que la petite famille ait un nid douillet et sans tracas. J’ai donné mes deux derniers samedi à arracher des planchers et tirer des joints. Je crois que c’est ce qu’il souhaite, que sa blonde et leurs fils soient le mieux possible. Pour la suite des choses.

J’aimerais tellement passer plus de temps avec mon ami. L’aider à terminer ses rénovations pour qu’il puisse vivre des moments précieux avec ses garçons. Mais on est nous aussi pris dans l’engrenage de la machine à saucisses, à atteindre les dead-lines fictifs du bureau, à rencontrer des fournisseurs, à courir la garderie, l’autobus, réparer notre duplex ou faire les plats pour la semaine.

Nous sommes collectivement pris dans l’engrenage. On nous a vendu l’idée qu’il est normal de sacrifier notre temps et notre attention pour faire monter l’action d’une corporation plutôt que de s’occuper de nos proches. 

L’idée me vient souvent quand je laisse mon fils à la garderie avant de m’engouffrer dans le métro. Si j’avais plus de temps, je jouerais plus avec lui, je serais un amant plus dévoué et je préparerais la maison pour la venue du deuxième qui est imminente. Et surtout, j’aiderais mon cher ami.

Et vous, que sacrifiez-vous contre un salaire ? Avez-vous pensé à votre coût d’opportunité ?

2 Responses

  1. Je suis désolé pour ton ami… 🙁 c’est l’une des pires choses qui puissent arriver à un jeune parent…
    Je vais te poser une question qui me torture l’esprit depuis un bout déjà relativement à ma propre vie..
    Qui te force à choisir cette vie sinon toi?

    Tu pourrais ralentir le rythme ou garder l’un des deux parents à la maison avec les.enfants, prendre quelques mois pour aider ton ami ou whatever…

    Au final on a le choix. Mais, on priorise… et on donne la priorité à la rat race.
    J’ai souvent écrit sur l’avoir-humain vs l’être-humain.

    Je vais etre dur mais je ne suis pas mieux… Ta job et ta maison, tes possessions sont plus importantes à tes yeux que ton fils et ton ami. Voilà la realite.

    Si cette phrase te choque et te rebute alors regarde tes paroles et tes actions et demande toi si tes babines suivent tes bottines.

    Ne croit pas que je me pense meilleur… je suis dans le meme bateau.

    Ici on a fait des choix. Les enfants ne vont pas à la garderie. On sauve 12000$ net par an. On a parti une cie qui se gere de la maison a temps perdu qui devrait rapporter 15-20k par an. Maman peut donc rester avec les enfants. On a fait le choix de ne plus avoir d’hypot dans 2 ans et demi. On a fait le choix de vivre dans une maison modeste pas rénovée et pas au goût du jour mais you know what? On est ensemble… on est à l’abri des intempéries.

    Je travaille maintenant de la maison 3 ou 4 jours semaine… je vois mes.enfants tous les.jours et je joue avec eux au moins 1h30-2h par jour. Et je m’occupe des bains et des histoires et je les amene au parc plusieurs fois par semaine.
    C’est pas parfait mais j’essaie de prioriser davantage l’être-humain que l’avoir humain.
    L’enfance de nos enfants est une richesse qui se depense à un rythme fou… et le bon temps passé avec un ami mourant aussi..
    L’argent ça va.. ça vient. Des jobs on en aura et on n’en aura plus. La vie, la.santé, le temps… ça ne s’achete aps. Il faut en peoditer quand c’est là.

    Au final, on ne sait jamais quand on va mourrir. Il ne faut pas attendre qu’il soiit trop tard avant d’en profiter.
    Merci de me rappeler ça… je vais réfléchir à ce qe je peux faire de plus encore dans ma vie pour etre un etre-humain pendant que je suis en vie et en sante.

    1. C’est plate à entendre, mais c’est la triste réalité. Et je ne dis pas cela en pensant que je suis meilleur que les autres. Je ne suis pas parfait moi non plus. Moi aussi j’aimerais passer plus de temps avec mon parrain qui a perdu presque toute sa mobilité à cause de sa maladie dégénérative (et il n’a que 55 ans). Moi aussi j’aimerais passer plus de temps avec ma grand-mère qui vient de recevoir un verdict de 3e cancer (mais pour celui-là, elle ne fera pas de chimio, donc vous comprenez ce qui arrivera bientôt). Je pourrais arrêter de travailler pour quelques temps et pouvoir passer plus de temps avec eux, pour le temps qu’il leur reste. Quand on est pris dans la roue, comme un esclave, je comprends tout à fait que n’est pas facile de prendre cette décision…

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