Avoir un enfant handicapé

Depuis un an nous visitons les hôpitaux pour enfants et croisons au fil de nos visites des bambins avec de lourds problèmes de santé. Hauts comme trois pommes, plusieurs sont déjà hypothéqués et n’auront pas une vie «normale». Certains ont la leucémie, d’autres seront rivés à une chaise roulante ou encore privés d’un sens pour le restant de leur vie. Je crois qu’on peut éprouver de la sympathie pour les parents de ces enfants, mais je crois aussi qu’on ne peut pas réellement saisir à quel point leur vie est irrémédiablement chamboulée.

Jusqu’à ce que ça nous arrive.

Notre fils a maintenant 19 mois. Il est aveugle d’un oeil à cause d’une anomalie de la rétine et porte déjà des lunettes. Il est atteint d’une surdité modérée aux deux oreilles le contraignant à porter des prothèses auditives à vie pour entendre. Il présente un retard du développement moteur sévère et il est pris en charge par une équipe de spécialistes du CHU Sainte-Justine et du Montreal’s Children. Les imageries par résonance magnétique ont révélé des lésions multiples au cerveau et sa tête grandit moins vite que la moyenne (microcéphalie). Il a porté un casque pour la plagiocéphalie (tête plate) et a maintenant des orthèses aux pieds pour commencer à marcher. Après de longs mois d’investigations en génétique et infectiologie, nous avons enfin reçu le diagnostique en janvier. Le virus CMV ou Cytomégalovirus a infecté notre bébé alors qu’il était dans le ventre de maman, causant des dommages irréversibles à son système nerveux central.

Il n’y a pas de remède contre ce virus et les atteintes sont permanentes. Chaque cas est unique et les médecins ne peuvent pas nous donner de pronostic sur son développement futur. Par contre on peut le stimuler pour qu’il atteigne son plein potentiel. Nous faisons de la physiothérapie et de l’ergothérapie aux deux semaines pour le faire progresser sur le plan moteur. On voit une orthophoniste dans un centre de réadaptation pour développer le langage. À cela s’ajoutent les suivis en ORL, ophtalmologie, audiologie, physiatrie, audioprothésiste, orthésiste, infectiologie, génétique, …

Un choc puis une adaptation

Je vous passe les détails de la montagne russe d’émotions que nous vivons depuis 1 an. Notre vie est changée et la maladie de notre fils nous a labouré les entrailles. Pendant des mois nous avons suivi un chemin de croix pour lui trouver une place adaptée en CPE et obtenir de l’aide. Pour faire face à tout ce stress et pour accompagner notre petit bonhomme à ses rendez-vous, nous avons réduit nos horaires de travail à 4 jours par semaine pour l’Ingénieux et à 9 jours aux deux semaines pour l’Ingénieuse. L’ingénieux croit bien continuer à 4 jours pour plusieurs années si son employeur le lui permet.

Quel impact sur notre projet ?

Je renonce à 880 $ par mois en revenu net, ainsi qu’à 140 $ en cotisations de l’employeur dans mon régime de retraite. Ces changements auront un impact direct sur nos revenus et nos épargnes. Mais comme j’ai dit à mon superviseur, c’est du temps que j’ai cruellement besoin pour accompagner mon fils, pas du salaire.

Nous devons nous impliquer plus que jamais auprès de nos enfants pour leur donner toutes les chances de réussir dans la vie. Trois ans après s’être lancé dans l’aventure FIRE, nous maintenons le cap et devrons être créatifs et opportunistes afin d’atteindre nos objectifs.

Le CMV un virus peu connu

On ne nous a jamais parlé de l’existence ni des risques du CMV durant nos deux grossesses. Pourtant c’est une maladie grave pour les foetus ou les gens immunosupprimés et je prends la peine de sensibiliser la population dans cet article. Des mesures d’hygiène simples permettent de réduire les risques durant la grossesse.

Le CMV est la principale cause de surdité infantile non-héréditaire. La moitié des enfants en âge préscolaire contractent le CMV sans développer de symptômes et peuvent le transmettre à des femmes enceintes. Dans le cas de première infection chez la mère, elle a jusqu’à 40% de chances de le transmettre au foetus. 10 % des enfants infectés durant la grosselles auront des séquelles à vie variant énormément d’un cas à l’autre et pouvant comporter selon la gravité et la précocité de l’infection in-utero:

  • déficit visuel et/ou auditif
  • hypotonie
  • retards de développement
  • calcifications intra-craniennes
  • paralysie cérébrale
  • microcéphalie
  • déficience intellectuelle
  • troubles d’équilibre et de coordination
  • mort dans certains cas

Sources: https://www.nationalcmv.org/overview/outcomes

9 Responses

  1. C’est un texte courageux de la part d’un parent d’enfant handicapé. La réalité de l’enfant est présentée dans ce que la science médicale peut en dire. Sans plus ni moins. Dans toute ma carrière d’enseignant auprès de ces enfants (École Bel Essor à Longueuil), j’ai rarement vu de la part de parents une telle capacité de recevoir son enfant avec autant de clarté et de volontarisme.

    La biographie de l’enfant et de ses parents vient tout juste de commencer mais elle commence bien. Les enfants qui sont nôtres appartiennent aussi à la société dans laquelle ils naissent. Dans le cas des enfants handicapés, le rôle des parents, des amis, du voisinage et de l’environnement proche devient un encadrement nécessaire.

    Même dans le contexte des grands changements qui affectent la planète et chacune de nos communautés, je prévois que les services aux personnes vont s’améliorer parce qu’il n’y aura pas seulement ces personnes dites «handicapées» qui en auront besoin mais une bien plus grande partie de la société sera en demande de services. On le constate présentement, il suffit d’un petit virus de rien du tout et la planète est «handicapée».

    Espérons que j’ai raison et que l’hédonisme des voyages futiles dans tous les coins de la planète s’amenuisera. Je le crois vraiment, même si ça prendra plusieurs sursauts catastrophiques avant que ça se produise.

    1. Cher André, tu me fais remarquer que mon texte était essentiellement centré sur l’aspect médical de notre aventure. J’avais écrit ce texte en février alors que nous étions débordés par le travail et les rendez-vous médicaux. Avec la pandémie tous les rendez-vous ont cessé subitement. Ce qui n’est pas dit dans mon article, c’est que notre fils est un être adorable et que nous ne l’échangerions pas pour un autre. Nous apprenons à le découvrir comme il est et l’aventure ne fait que commencer. Tu fais bien de parler de la communauté et de l’entourage. Comme on dit, ça prend un village pour élever un enfant. Nous recevons déjà de l’aide de divers intervenants, professionnels et de la famille. Obtenir cette aide fut laborieux mais nous commençons à en profiter, quoi que depuis la pandémie tout est suspendu. On apprend aussi à laisser aller, à laisser notre bébé être un bébé et laisser la suite venir. Moins anticiper.

  2. Toute une série d’épreuves que ont dû et doivent vous demander beaucoup de courage et d’énergie. J’espère que tout ira en s’améliorant!

  3. Bonjour, votre article fais du bien à lire. Nous avons passé par ce même cheminement. Nous avons un eu petit garçon avec retard global de développement pour finalement arriver à une déficience intellectuelle et TSA. Toute la gamme des émotions y est passé. Un peu comme le deuil mais avec surcharge de travail, de rendez-vous et d’inquiétude plutôt qu’un grand vide. Après cela, on a appris à côtoyer cette nouvelle réalité. La fratrie a développé de si belle valeurs qui autrement auraient été difficile voire impossible d’inculquer de cette manière. Côté parentalité, on a atteint un lâché-prise absolument exceptionnel. Cela, c’est réellement un bonheur de savoir reconnaître l’essentiel et de parvenir à prendre les choses avec un brin de légèreté.

    Pour notre part, nos efforts intensifs d’épargne ont débutés lorsque nous avons pu commencer à cotiser au REEI. Nous voulions aller chercher la grosse subvention de 3500$ pour une contribution de 1500$. Nous avons donc commencé à essayer de comprendre le monde de l’impôt (ce qui nous avais jamais été appris). Nos cotisations REER ont donc augmentées. Nous nous sommes ensuite attaqué au REEE non cotisé. Le but ultime étant que notre enfant TSA ait les moyens nécessaires pour vivre une vie décente tout en dégageant notre enfant plus vieux d’en avoir une responsabilité financière d’envergure. La notion de placer ses billes pour l’avenir a pris une toute autre dimension puisque l’avenir pour une personne avec une autonomie précaire va au-delà de 18 ans. Ici, madame a diminué ses heures de travail pour garder une santé mentale et monsieur a revu ses horaires de boulot. L’aide financière pour enfant handicapé est très apprécié, nous avons contribué à notre CELI avec celle-ci. Nous n’avons pas d’objectif de date de retraite mais nous avons adopté un rythme de vie modeste pour pouvoir offrir du temps à nos enfants. Nous nous sommes offert une marge de manœuvre dépourvue de stress financier.

    1. Bonjour Simone et merci de d’avoir pris le temps de partager cette tranche de vie avec nous. Notre fils a maintenant 3 ans et demie et il est évident qu’il restera avec un DI-TSA en plus de ses handicaps physiques. Je n’ai pas peur des mots. Nous avons vécu un traumatisme suivi d’un choc post-traumatique dans mon cas. On ne peut pas se préparer à la décharge d’émotions des parents qui découvrent les handicaps de leur enfant en plus de la charge du travail et de la famille.

      J’aime que tu parles du laisser-aller. Plus le temps passe et plus on apprivoise notre réalité et on fait ce qu’on peut mais pas l’impossible. Mon plus vieux se développe normalement et j’en suis comblé. Je n’ai pas besoin qu’il performe et pète des scores pour le moment. Je m’assure qu’il soit heureux et se comporte bien. Pour le reste il s’amuse. Il est maternelle quand même. Il aura toute sa vie pour performer.

      Les urgences du travail tombent quand j’accompagne mon fils à ses rendez-vous de réadaptation. Je m’évade du travail et je passe du temps privilégié avec mon fils. Il m’a donné une carte joker secrète et personne ne me questionne au travail sur mes absences. Il faut voir le positif, embrasser notre nouvelle vie avec ses plus et ses moins.

      Nous maximisons le REEE et le REEI. Par contre, puisque nos revenus familiaux sont trop élevés nous ne recevons «que» le minimum de 1000 $ de la Subvention canadienne pour l’épargne-invalidité. Lorsqu’il sera majeur il pourra toucher aux autres subventions et possiblement le Bon canadien pour l’épargne-invalidité. Nous voulons aussi que notre fils autonome n’ait pas de soucis financiers pour loger, nourrir ou subvenir aux besoins du plus jeune. Notre duplex ne fait pas partie de notre fonds de retraite et fera donc partie du patrimoine familial transmis aux enfants.

      Bon courage pour la suite et demeurez positive. Faisons confiance à ce que l’avenir nous réserve. Nos cocos ne sont pas figés, ils se développent et ne cessent de nous surprendre.

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